Réduction des matrices
La réduction des matrices constitue le premier pas de ce que l’on appelle la théorie spectrale. Ses applications pratiques sont nombreuses : modélisation des vibrations, dynamique des populations, analyse de données en composantes principales en statistique, mécanique quantique, économie mathématique, etc.1 Valeurs propres, vecteurs propres
Pour la première fois, il va être utile de distinguer entre R et C. On adoptera donc la notation générique K = R ou C, et l’on précisera si besoin est.Définition Soit A ∈ Mn(K). On dit que x ∈ Kn est un vecteur propre de A si et seulement si
i) x ≠ 0.ii) ∃λ ∈ K tq Ax = λx.Si x est un vecteur propre de A, alors le scalaire λ de ii) est la valeur propre de A associée à x.Remarque La condition i) est essentielle. En effet, si on ne l’impose pas, alors la condition ii) ne dit rien car pour tout λ, on a 0 = A×0 = λ0. Un vecteur propre de A est donc un vecteur non nul dont l’image par A lui est colinéaire .Remarque Notons que λ = 0 est valeur propre de A si et seulement si ker(A) ≠ {0}, c’est à dire si et seulement si x → Ax n’est pas injective.Proposition Un scalaire λ ∈ K est valeur propre de A ∈ Mn(K) si et seulement si ker(A−λIn) ≠ {0}.Démonstration
En effet ; λ est valeur propre si et seulement si il existe un x ≠ 0 tel que Ax = λx, c’est-a-dire Ax−λx = 0, ou encore (A−λIn)x = 0.Définition L’ensemble de tous les vecteurs propres associés à une valeur propre λ, complété par le vecteur nul, Eλ(A) = ker(A−λIn) est appelé sous-espace vectoriel propre associe à λ. Sa dimension dimEλ(A) est appelée multiplicité de la valeur propre λ.Définition L’ensemble de toutes les valeurs propres de f est appelé spectre de A et est notéσ(A) ⊂ K.Proposition Deux matrices semblables ont même spectre.Démonstration.En effet, si A' = P-1AP et si x est un vecteur propre de A, alors P-1x est un vecteur propre de A' , puisque A' P-1x = P-1A(PP-1)x = P-1Ax = λP-1x .Proposition On a λ ∈ σ(A) si et seulement si det(A−λIn) = 0.Démonstration. C’est évident d’après ce qui précède, puisque il faut et il suffit que la matrice (A−λIn) soit non inversible.Définition Le polynôme PA(X) = det(A−XIn) s’appelle le polynôme caractéristique de A. C’est bien un polynôme à une indéterminée cara11 −X a12 ··· a1na21 a22 −X ··· a2ndet(A - XIn ) = ..... ........... ............ .......... ......an1 an2 ··· ann −Xet l’on voit en développant par rapport à la première colonne que d°PA(X) = n et que le terme de plus haut degré de PA(X) est (−1)nXn.Remarque
i) Le terme de plus bas degré de PA(X) est PA(0) = det(A).ii) Si deux matrices A et B sont semblables, elles ont même polynôme caractéristique.En effet, si B = P-1AP, alors B − XIn = P-1(A − XIn)P et on utilise la multiplicativité du déterminant .Corollaire On a λ ∈ σ(A) si et seulement si λ est racine de PA. On est ainsi ramené pour la recherche des valeurs propres à un problème classique des mathématiques, d’une importance historique majeure, trouver les racines d’un polynôme de degré n. Comme un tel polynôme a au plus n racines, on peut tout de suite en déduire le corollaire suivant :Corollaire Toute matrice n×n admet au plus n valeurs propres. On voit donc que l’existence de valeurs propres dépend fondamentalement de la nature du corps de base K, contrairement à tout ce que l’on a pu voir jusqu'à maintenant.Corollaire Si K = C, toute matrice admet au moins une valeur propre.Démonstration. C’est le théorème de d’Alembert qui affirme que tout polynôme à coefficients complexes admet au moins une racine dans C (car C est algébriquement clos).Exemple Il existe des matrices à coefficients réels sans valeur propre réelle. Par exemple, les matrices de rotation d’angle ϕ ≠ kπ, k ∈ Z, n’ont pas de vecteur propre dans R2, ce qui est géométriquement évident, puisque l’image d’un vecteur par une telle rotation n’est certainement pas colinéaire au vecteur en question. En termes de polynôme caractéristique, il vientcosϕ−X −sinϕ PA(X) = sinϕ cosϕ−Xie PA(X) = X2 −2cosϕX +1, qui n’a pas de racine réelle pour ces valeurs de ϕ. Par contre, la même matrice de rotation peut être considérée comme une matrice à coefficients dans C, et elle admet donc dans ce contexte des vecteurs et valeurs propres (complexes, bien sûr).Corollaire On a σ(AT ) = σ(A).Démonstration. En effet, PAT (X) = det(AT −XIn) = det((A−XIn)T ) = det(A− XIn) = PA(X), puisqueInT = In.Exercice 1) Trouver les valeurs propres de la matrice A suivante , les vecteurs propres et les sous espaces propres qui leur sont associés : A est d'ordre (3,3), de première ligne [3,1,1], de deuxième ligne [1,3,1] et de troisième ligne [1,1,3].2) Montrer que ((1,-1,0); (1,1,-2) et (1,1,1) sont des vecteurs propres de A. Quelles sont leurs valeurs propres associées ?3) Montrer que ces vecteurs propres forment une base de R3.4) En déduire que R3 est somme directe des sous espaces propres associés à A .5) Quelles sont les composantes de (3,4,5) dans la base de la question 3) ?Trigonalisation, diagonalisationProposition Si A est triangulaire, alors elle a n valeurs propres qui sont ses éléments diagonaux.Démonstration. D’après le corollaire precédent, il suffit de traiter le cas des matrices triangulaires supérieures. ´Dans ce casa11 −X a12 ···... a1n0 a22 −X ··· ...... a2nPA(X) = .....................................................0 ....... 0 ............... annc'est à dire (a11 −X)(a22 −X)···(ann −X), comme on le voit en développant par rapport à la première colonne. Le polynôme PA est un produit de facteurs du premier degré (on dit qu’il est scindé) et ses n racines sont visibles, ce sont les aii, i = 1,...,n.Définition i) On dit qu’une matrice A est trigonalisable si elle est semblable à une matrice triangulaire.ii) On dit qu’une matrice A est diagonalisable si elle est semblable à une matrice diagonale.En d’autres termes, A est trigonalisable (resp. diagonalisable) s’il existe une matrice inversible P telle que P-1AP est triangulaire (resp. diagonale). Dans ce cas, on dit que la matrice P trigonalise (resp. diagonalise) la matrice A.Proposition Une matrice A est diagonalisable si et seulement si il existe une base de Kn constituée de vecteurs propres de A.Démonstration. Supposons qu’il existe B = {u1,u2,...,un} base de Kn telle que Aui = λiui, alors la matrice A' de l’application linéairex → Ax dans la base B est diagonale, ses éléments diagonaux étant les valeurs propres λi. Si P désigne la matrice de passage de la base canonique dans B, on a bien que A' = P-1AP, donc A et A' sont semblables.Réciproquement supposons A semblable à une matrice diagonale A' , c’est à-dire qu’il existe P inversible telle que A' = P-1AP. Interprétons P comme la matrice de passage de la base canonique à une autre base B = {u1,u2,...,un} (les composantes de ui dans la base canonique sont simplement les colonnes de P). Alors on voit que (Aui)B = A'ei = λiei où ei est le i-ème vecteur de la base canonique de Kn (en effet, (ui)B = ei). On en déduit que (Aui)B = λi(ui)B, donc que Aui = λiui et les ui forment une base de vecteurs propres de A.Remarque Par définition d’un espace propre, la restriction de l’application linéaire x → Ax à Eλi (A) est l’homothétie de rapport λi. On a besoin de critères de trigonalisabilité et diagonalisabilité.Theorème Une matrice A est trigonalisable si et seulement si son polynôme caractéristique PA est scindé sur K.Démonstration. On rappelle qu’un polynôme est dit être scindé s’il est factorisable sur K en un produit de termes du premier degré. Supposons d’abord A trigonalisable. Elle est donc semblable à une matrice triangulaire (mettons supérieure),b11 b12 ............. b1n0 ...... b22 ...... b2nP-1AP = . . . . . . ... . . .0 ......... 0 ......... bnnOn en déduit immédiatement que PA(X) = (b11 −X)(b22 −X)···(bnn −X), et le polynôme PA est scindé.On pourra admettre la réciproque.Corollaire Si K = C, toute matrice est trigonalisable.Revenons à l’étude générale des sous-espaces propres.Theorème Les sous-espaces propres d’une matrice A associés à des valeurs propres distinctes sont en somme directe.Démonstration. Soient λ1,...,λp ∈ K les valeurs propres distinctes de A et soient Eλ1 ,...,Eλp les sous-espaces propres associés dans Kn. On raisonne par récurrence sur le nombre de sous-espaces propres. Un seul sous-espace propre est trivialement en somme directe, car la seule décomposition du vecteur nul est le vecteur nul. Supposons le résultat acquis pour k − 1 sous-espaces propres avec k ≤ p. Donnons-nous xi ∈ Eλi , i = 1,...,k tels que x1 +x2 +···+xk = 0. Multiplions cette relation par λk. Il vient λkx1 +λkx2 +···+λkxk = 0. Multiplions également cette égalité par la matrice A. Il vient Ax1 +Ax2 +···+Axk = λ1x1 +λ2x2 +···+λkxk = 0. Soustrayons les deux égalites obtenues membre à membre. On obtient (λk −λ1)x1 +(λk −λ2)x2 +···+(λk −λk−1)xk−1 = 0. Posant yi = (λk −λi)xi ∈ Eλi , i = 1,...,k−1, on a obtenu une décomposition du vecteur nul sur k −1 sous-espaces propres. Par l’hypothèse de récurrence, on obtient yi = 0 pour i = 1,...,k−1. Or on a pris des valeurs propres distinctes, donc λk − λi ≠ 0. Par conséquent, xi = 0 pour i = 1,...,k − 1. Reportant ceci dans la première relation, on en déduit finalement que xk = 0, et les sous-espaces propres sont bien en somme directe.Corollaire Une matrice A est diagonalisable si et seulement si Kn est somme directe de sous-espaces propres.Démonstration. En effet, la réunion de bases des sous-espaces propres forme alors une base de Kn constituée de vecteurs propres de A.Corollaire Si une matrice n × n a exactement n valeurs propres distinctes, alors elle est diagonalisable.Démonstr ation. En effet, dans ce cas la matrice A a n sous-espaces propres Eλi (A) en somme directe. Pour chaque espace propre, on a dimEλi (A) ≥ 1. Donc n n n ≤ ∑ dimEλi (A) = dim( (+ ) Eλi (A)) ≤ dimKn = n, où (+) désigne la somme directe , i=1 i=1puisque (+) Eλi (A) est un sev de Kn. On en déduit que dim((+)Eλi(A) = dimKn, et donc que (+) Eλi (A) = Kn, d’ou la diagonalisabilité de A.Ce corollaire n’est qu’une condition suffisante. De nombreuses matrices avec des valeurs propres multiples sont aussi diagonalisables.Remarque Si une matrice est diagonalisable, la décomposition de l’espace Kn en somme directe de sous-espaces propres permet de mieux comprendre l’action de cette matrice. En effet, on a déjà noté que sa restriction à un sous-espace propre est l’application linéaire la plus simple qui soit, une homothétie.Remarque ATTENTION ! même sur C il existe des matrices qui ne sont pas diagonalisables. Par exemple la matrice suivante:0 1 0 0est triangulaire supérieure.Elle admet donc une seule valeur propre λ = 0. C’est une racine double, puisque PA(X) = X2, mais sa multiplicité géométrique est visiblement 1 (c’est la dimension de son noyau). Donc C2 ne peut pas être somme directe des espaces propres, et A n’est pas diagonalisable .à quoi peut bien servir la diagonalisation des matrices ?à bien des choses.Donnons en un exemple.Proposition Soit A une matrice diagonalisable. Pour tout k ∈ N, les valeurs propres de Ak sont les λik . De plus, si P est une matrice qui diagonalise A, alors Ak est PA'P-1 avec A' étant la matrice suivante :λ1k 0 ..... 00 λ2k ....... 0 .0 0 ··· λnk
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